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Maladie d’Alzheimer et Filière Gériatrique en Guadeloupe, où en est on?

Maladie d’Alzheimer et Filière Gériatrique en Guadeloupe, où en est on ?

Paru dans la Gazette du jeune Gériatre en Nov 2014 

Le vieillissement de la population qui fera de la Guadeloupe, à l’horizon 2030, une des plus vieilles régions de France sur le plan démographique, fait émerger une nouvelle problématique de santé publique rendant nécessaire l’amélioration de l’offre de soins sur notre territoire. De plus en plus de personnes âgées ayant des maladies multiples, des handicaps physiques et des troubles du comportement sont hospitalisées dans des services de spécialité non adaptés à l’accueil de ces malades. Selon l’INSEE, en 2040, la population guadeloupéenne sera de 404 000 habitants, si les tendances démographiques récentes se maintiennent. Elle tendrait à ne plus croître, les décès seraient plus nombreux que les naissances et le déficit migratoire serait moindre. Le vieillissement de la population s’accélérerait au point que les séniors représenteraient quatre habitants sur dix, contre trois sur dix dans l’ensemble de la France. L’âge moyen serait de 48 ans alors qu’il était de 36 ans en 2007 et la région serait la troisième la plus âgée de France après la Corse et la Martinique. La part des personnes de 60 ans ou plus, progresserait fortement, il serait multiplié par 2,4 à l’horizon 2040, en particulier les personnes de 80 ans ou plus, qui seraient presque quatre fois plus nombreuses qu’en 2007. La forte augmentation de ces classes d’âge devra peser sur les politiques publiques : prise en charge de la dépendance, accès aux équipements et aux soins…

Répartition de la population guadeloupéenne par grands groupes d’âges :

  2007 2020 2030 2040
  Effectif % Effectif % Effectif % Effectif %
Moins de 20 ans 122 737 30,6% 104 000 25,5% 94 000 23,0% 88 000 21,8%
20-59 ans 209 081 52,2% 197 000 48,0% 171 000 41,6% 153 000 37,9%
60-79 ans 55 256 13,8% 87 000 21,2% 111 000 27,2% 113 000 28,0%
80 ans ou + 13 514 3,4% 22 000 5,4% 34 000 8,2% 50 000 12,3%
Ensemble 400 588 100% 410 000 100% 410 000 100% 404 000 100%

Source : Insee, Omphale 2010

 

 

Les personnes âgées sont inégalement réparties sur le territoire, avec de forts taux de concentration dans l’agglomération Pointoise et Abymienne. La situation d’isolement extrême des personnes âgées vivant sur les dépendances (Marie Galante, les Saintes, la Désirade) est également préoccupante.

 

 

Dans ce contexte, notre département est confronté à l’émergence des pathologies neurodégénératives et plus particulièrement des maladies d’Alzheimer et apparentés. En France la maladie d’Alzheimer concerne, selon les projections de l’étude PAQUID1, 850 000 personnes en 2008 et 225 000 nouveaux cas par an. Sont concernées 5 % de la population âgée de 65 ans et plus, et 15 % des plus de 85 ans.

 

En Guadeloupe, nous ne disposons pas d’études épidémiologiques de terrain permettant une réelle connaissance des taux de prévalence et d’incidence concernant ces pathologies. Selon des données obtenues après projections statistiques de l’étude PAQUID[1], on peut estimer en Guadeloupe 4 541 cas de démences, dont 3 542 Alzheimer. Il y aurait 1 041 démences dont 750 Alzheimer chez les 60-75 ans et 3 500 démences dont 2 792 Alzheimer chez les 75 ans et plus.

 

Une des conséquences principales de cette maladie est la perte d’autonomie constituant la principale cause d’entrée en institution (on estime que 80% des résidents en institution en France sont déments dont la moitié pour la seule maladie d’Alzheimer). De plus, les traitements capables de réduire l’évolution de la maladie restent symptomatiques, puisqu’il n’existe pas de traitement curatif. De surcroît, ces mêmes traitements sont plus efficaces aux stades initiaux de la maladie d’où la nécessité d’un diagnostic et d’une prise en charge précoce. Or en Guadeloupe, les centres diagnostiques que sont les consultations mémoires ne sont qu’au nombre de deux à l’heure actuelle : la consultation mémoire du CHU et la consultation mémoire du Centre Médico Social de Basse-Terre. Un partenariat entre ces deux consultations mémoire, maillant l’ensemble des territoires de santé de la Guadeloupe, est déjà actuellement envisagé par les praticiens gériatres et neurologues des deux établissements, impliquant la mutualisation des données médicales et des bases de données, afin d’étayer les prises en charge accompagnant les patients, et de permettre également la mise en place de travaux de recherche. Ce partenariat n’attend plus que la validation des autorités sanitaires pour se faire pérenne. L’un des objectifs prioritaires de l’association entre ces deux centres, sera de travailler à la mise en place d’études visant à établir la prévalence des pathologies neuro dégénératives dont la maladie d’Alzheimer et apparentés, en Guadeloupe. Des réunions pluridisciplinaires concernant les dossiers les plus complexes sont envisagées, et des conventions inter équipes, seront également mises en place.

 

Cela étant, l’absence de services d’hospitalisation de gériatrie aigue, pouvant accueillir les sujets âgés souffrant de pathologies démentielles avec troubles psycho comportementaux à risque, contribue à un climat d’insécurité majeure pour les patients et leur famille mais aussi pour les personnels médicaux et paramédicaux actuels. Ce manque d’un tel type de service dans nos établissements, tel que défini dans les circulaires DHOS définissant la filière gériatrique,[2] rend impossible un service sanitaire approprié en matière de prise en charge spécialisée en gériatrie. Plus encore, ces manques conduisent les familles et les aidants à de véritables drames humains, à risque de maltraitance et de mise en danger des patients comme des membres de l’entourage. Un court séjour gériatrique avec admissions directes permettrait pourtant de désengorger les urgences et éviterait aux patients une prise en charge non adaptée ayant pour conséquences des états d’agitation aiguë, une perte d’autonomie rapide délétère et des complications iatrogènes. Cette problématique de la prise en soins des pathologies Alzheimer et Apparentés, révèle l’absence d’une véritable filière gériatrique en Guadeloupe.

 

Le projet de la mise en place d’une telle filière au CHU de Pointe-à-Pitre/Abymes en Guadeloupe est à pied d’œuvre pour une prise en charge efficiente de ces patients et un parcours de soins mieux adapté. Les différents maillons, que sont le Court Séjour Gériatrique, l’Hôpital de jour gériatrique, les Consultations externes de gériatrie, ou encore l’Unité d’oncogériatrie, sont donc tous à forger. Champ des possibles et des projections, il s’agit pour la petite équipe en place au CHU de convaincre les décideurs et de porter haut les couleurs de la gériatrie dans une région qui sera donc l’une des plus âgées de France dans quelques années.

 

Les gériatres défendeurs de la mise en place d’une telle filière au CHU de PAP/Abymes, sont, entre autres, le Dr RINALDO Leila, Présidente du COGEGUA (Collège de Gériatrie Guadeloupéen), et responsable de l’unité Equipe Mobile Gériatrie et de la Consultation Mémoire Gériatrique du CHU, et le Dr BASILEU Tatiana, vice présidente du COGEGUA, référent du projet du Court Séjour Gériatrique, et membre également de l’AJGH. Nous n’attendons que les bonnes volontés et forces vives supplémentaires pour étayer notre jeune équipe et mener à nos côtés ce combat dynamisant et passionnant pour la discipline.

 

 

Dr BASILEU Tatiana EMG Consultation mémoire CHU PAP/ABYMES :

tatiana.basileu@chu-guadeloupe.fr

Dr RINALDO Leila EMG Consultation mémoire CHU PAP/ABYMES :

leila.rinaldo@chu-guadeloupe.fr

Dr Isabelle TIBOUT CHIMON Consultation mémoire CMS Basse Terre :

i.tibout-medceg@cliniquecms.com

 

[1] Ramaroson H, Helmer C, Barberger-Gateau P, Letenneur L, Dartigues JF. [Prevalence of dementia and Alzheimer’s disease among subjects aged 75 years or over: updated results of the PAQUID cohort]. Rev Neurol (Paris) 2003;159(4):405-11.

[2] Circulaire DHOS /02 /DGS/SD5/n°2002/157 du 18 mars 2002 relative à l’amélioration de la filière de soins gériatrique

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Vieillissement de la Guadeloupe, Réveillons nous !

Quotidiennement confrontée à une situation régionale alarmante en termes de vieillissement, la Guadeloupe sera la 3ème région la plus âgée de France en 2040, après la Corse et la Martinique.  Or, la particularité de notre île réside dans un retard de plus en plus inquiétant, en termes d’adaptation de l’offre sanitaire et médico sociale, face à un vieillissement plus rapide et plus important que celui des autres régions Françaises. Ainsi selon les projections de l’INSEE, la part des plus de 80 ans de notre région, sera multipliée par 4 d’ici 2040.

La problématique du maintien à domicile devient cruciale, dans une région où les personnes âgées, majoritairement des femmes seules, disposent de moyens d’existence précaires avec un revenu mensuel moyen inférieur à 1000 euros, rendant dans le même temps difficile voire impossible l’accès aux établissements d’hébergement permanent et alourdissant la note de l’aide sociale dont elles relèvent. L’habitat et l’aménagement du territoire sont bien souvent inadaptés aux dépendances du grand âge et conduisent à conforter cet isolement en compliquant l’accès aux services à la personne, insuffisamment développés sur notre territoire. Le manque d’information des personnes âgées est grand avec des difficultés d’accès aux services sociaux dont elles relèvent et l’absence d’un interlocuteur clairement identifié. Le seul CLIC en Guadeloupe, situé sur l’île de Marie Galante, dépendance isolée de l’archipel, n’est pas une réponse adaptée à la situation actuelle. Par ailleurs, une démographie médicale particulièrement faible, que ce soit en termes de généralistes (126,7 MG/100 000Habs) ou de spécialistes de la Gériatrie, complexifie encore plus la gestion des parcours de santé des personnes âgées poly pathologiques. La situation en termes de structures d’hébergement n’est guère mieux, avec 38 places pour 1000 personnes âgées de 75 ans et plus au 1er janvier 2011 contre 128 en France hexagonale, réparties en 14 EHPAD dont 2 unités Alzheimer, soit 884 places d’hébergement permanent au total. On ne compte par ailleurs que 4 accueils de jours fonctionnels pour 44 places et 392 places en famille d’accueil au 31 janvier 2014.

Sur le plan sanitaire l’offre est également insuffisante, avec l’absence actuelle de court séjour de gériatrie identifié au CHU de PAP/Abymes, ou encore d’hôpital de jour gériatrique ou de consultations gériatriques avancées dans ce même CHU, pourtant leviers les plus efficaces dans le domaine gériatrique en termes de prévention. Les services d’Urgence du territoire, sont alors les seuls et trop fréquents recours des personnes âgées, et se retrouvent embolisés par le manque d’aval et d’amont Gériatrique. La gestion des situations uniquement en cas de crise médicale et sociale, lors d’hospitalisations en « catastrophe », dans des services de spécialité dont elles ne relèvent pas, accable le personnel médical et social, accule les aidants à l’épuisement, et représente des coûts lourds et inutiles pour notre société. La seule prise en charge identifiée comme gériatrique au CHU consiste en une seule Equipe Mobile Gériatrie dotée de 2 médecins gériatres et d’une unique assistante sociale. La prise en charge des démences est également à la traîne, du fait de l’existence d’une seule consultation mémoire à orientation gériatrique labellisée au CHU et de son homologue au Centre Médico Social à Basse-Terre dont la labellisation est toujours en cours, ceci pour l’ensemble du territoire où résident pourtant plus de 20 000 personnes âgées de plus de 80 ans. Enfin le manque de personnels paramédicaux spécialisés dans notre région (Infirmières, neuro psychologues, ergothérapeutes, kinésithérapeutes), ne permet pas la prise en charge plurielle qu’exige le patient âgé gériatrique.

A partir de ces constats locaux notre réflexion tend à apporter une contribution plus large au niveau national en termes d’adaptation de notre système de santé mais aussi de celui de son économie, à une population vieillissante.

Nos activités de soins et stratégies de santé sont actuellement définis par différents plans, sur des axes départementaux mais aussi nationaux, se recoupant en plans régionaux et départementaux de santé, au sein desquels se dilue parfois l’action ciblée. Un document unique, regroupant les compétences des ARS et des Conseils Généraux, permettrait une meilleure lisibilité des objectifs cibles et une mutualisation des moyens financiers et humains, ainsi plus efficacement déployés. Plus encore les bornes des champs de la gériatrie et de la gérontologie doivent être redéfinies, l’âge de 60 ans n’étant clairement plus celui correspondant à l’entrée dans le cadre de la « personne âgée » telle qu’elle était conçue il y 20 ans. La notion de 3ème puis 4ème âge entraîne de nouvelles définitions à apporter avec à la clé une réflexion sur les conditions d’attribution des aides financières ou encore de l’entrée en institution, au delà de l’âge seul.

En termes de politique de santé publique, l’axe essentiel à développer est celui de la prévention. La Gériatrie, discipline récente, est d’abord née de la nécessité de développer une gestion, spécialisée car de plus en plus lourde, de la grande dépendance physique et psychique accompagnant les vieillissements poly pathologiques, émaillée de l’émergence forte des maladies neuro dégénératives. Cela étant, son plus puissant levier d’efficacité restera l’action en amont, via des campagnes de communication et d’information large de la population, mais aussi des professionnels de santé, en termes de repérage des fragilités. Repérée à temps, la Fragilité est un « champ de possibles » où les actions de prévention permettront d’éviter l’entrée précoce en grande dépendance et les coûts qui y sont rattachés. Plus encore, chaque région devra identifier une filière gérontologique tant au niveau médico social que sanitaire ; dont la porte d’entrée serait un guichet unique, facilement accessible pour le patient âgé comme son médecin généraliste. Etablissements référents de santé sur chaque territoire, les CHU pourraient se doter d’une permanence téléphonique diurne, au sein d’une unité médicale gériatrique et gérontologique rattachée au service de gériatrie du CHU, équivalent au SAMU, dotés de médecins gériatres mais aussi d’infirmières spécialisées en gériatrie ou d’assistantes sociales, pouvant réorienter la personne âgée ou son médecin, vers le maillon de la filière duquel elle relève de façon directe : Hôpital de jour, consultation mémoire, mais aussi assistante sociale du conseil général et/ou des CCAS, association de services à la personne etc….

Le deuxième axe majeur reste celui du maintien à domicile. Au vu des prévisions démographiques, et de nos particularités locales, il faut trouver une autre solution que les seuls EHPAD, trop chers et ne répondant pas aux attentes de la population encore autonome en partie. Ainsi favoriser le développement des services à la personne est nécessaire, tout en étant un potentiel de développement économique fort, en termes d’innovation mais aussi d’emplois. Pour l’instant ces services existent insuffisamment, et ne sont que trop souvent l’affaire de quelques associations, avec des intervenants insuffisamment formés et valorisés. Accompagner l’essor des filières spécifiques gérontologiques de l’autonomie comme les ergothérapeutes, mais aussi les psychomotriciens, les kinésithérapeutes, ou encore les assistants de soins en gérontologie, en les spécialisant et en revalorisant leur exercice, permettra une autre vision du maintien à domicile. Enfin la révision des politiques d’aménagement du territoire et de l’habitat doit être évoquée au niveau national, en tenant compte du vieillissement des populations, et en privilégiant l’adaptabilité des logements en vue d’une préservation de l’autonomie.

Sur le plan sanitaire, les séjours hospitaliers des sujets âgés sont trop souvent écourtés, du fait des exigences de tarifications actuelles, précipitant les ré hospitalisations précoces et les difficultés de suivi adapté. Le système de tarification hospitalière (T2A) doit être ajusté aux problématiques gériatriques (consultations longues de gériatrie, durées de séjours plus importantes) et permettre une hospitalisation de juste durée en vue d’une prise en charge efficiente tant médicalement qu’économiquement à long terme.

En termes de formation, les professionnels de santé seront tous confrontés à une population vieillissante et doivent donc bénéficier dans leur cursus d’un enseignement incluant cette problématique. Un institut de Formation aux métiers de la Gérontologie au niveau national, pourrait délivrer et contrôler un enseignement spécialisé de qualité aux différents intervenants auprès des sujets âgés. Plus particulièrement, le DESC actuel de gériatrie doit devenir DES permettant la mise en place d’une maquette unique de formation pour les jeunes internes, avec des stages dans les différents maillons de la filière (USLD, SSR, Court Séjour Gériatrie) mais aussi dans des terrains de spécialité étroitement lié à la gériatrie (neurologie, médecine interne… etc.). Enfin, sur le plan de la recherche, des unités dynamique de recherche « gérontologiques » doivent être développées, dont les champs d’investigations seront larges : biologie, médecine, gérontotechnologie mais aussi socioéconomie (silver économie)…

Il est urgent d’agir, de se réunir et se concerter au niveau de ceux qui nous dirigent, pour mettre en place une véritable politique tenant compte de notre réalité, sous peine d’un réveil tardif et difficile dont les conséquences seront payées en première ligne par nos aînés …

Tatiana BASILEU(Gériatre), Leila RINALDO (Gériatre) Serge LAVEL (Directeur CHGR)

Fait aux Abymes et à Pointe-à-Pitre le 18 Février 2014.